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Perquisition dans les bureaux de la Métropole : bien comprendre l’affaire en cours

Depuis l'annonce de Nice-Matin concernant la perquisition dans les locaux de la Métropole Niçoise, la toile et les médias s'enflamment autour de l'affaire la plus intéressante de ce début d'année. Mais beaucoup de désinformations circulent. Nous vous résumons l'affaire, les processus de l'enquête et pourquoi ce dossier est important.

Depuis le 26 janvier, nous pouvons lire sur différents médias qu’une opération judiciaire a été menée dans le cadre d’une information judiciaire par des magistrats parisiens de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) et des enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), était en cours avec des perquisitions notamment au 3ème étage de l’immeuble Connexio où se trouve des bureaux du service aménagement du territoire de la Métropole de Nice.

Selon les éléments qui ont pu filtrer, le projet Iconic et d’autres opérations immobilières seraient visés dans cette enquête ouverte depuis novembre 2022, sur des soupçons de “trafic d’influence, d’escroquerie en bande organisée, d’abus de biens sociaux, de faux et usage de faux”.

Une opération judiciaire d’envergure

Il n’y a pas que les locaux de la Métropole de Nice qui ont été perquisitionnés, des actes d’enquête similaires ont été semble-t-il menés au sein du siège de deux sociétés à Paris et dans les Alpes-Maritimes, dans des locaux régionaux et aux domiciles de quatre personnes.

Les enquêteurs se sont déplacés dans d’autres locaux municipaux. Cette fois, ce sont les bureaux d’au moins quatre élus qui ont été perquisitionnés. Tous auraient fait partie, en 2017, du jury qui a désigné les lauréats de ce projet d’aménagement. Selon la mairie de Nice, trois adjoints ont été entendus dans ce cadre-là. La Ville de Nice et la Métropole déclarent ignorer tout à ce stade de la procédure, sur la nature ou sur la portée des investigations.

Néanmoins, nous apprenons par voie de presse, que le projet d’aménagement Iconic porté par deux promoteurs, l’un d’envergure nationale, la Compagnie de Phalsbourg, et l’autre azuréen, la société Fondimmo, seraient visés dans cette affaire. Selon toujours les mêmes sources, les magistrats instructeurs s’intéressent également au projet d’aménagement du pôle multimodal du Grand Arenas, notamment sur les conditions dans lesquelles la société Fondimmo a acquis le terrain à bâtir de 35.000m2.
Sans vouloir préjuger des suites de cette affaire, qui ne fait que débuter et dans laquelle en réalité nous ne possédons que des éléments partiels, ce qui est tout à fait normal dans le cadre d’une instruction en cours, nous pouvons cependant, avec objectivité, analyser les éléments factuels qui sont connus et se poser les bonnes questions.

➤ Comment, par qui, et dans quelles conditions le parquet de Paris a-t-il été saisi des faits ? En effet, il s’agit des projets d’aménagements du territoire de Nice médiatisés et affichés publiquement depuis de nombreuses années, en cours de construction voire d’achèvement pour certains et dont les intervenants sont connus.
➤ Quel peut être le déclencheur ? Selon le parquet de Paris, une information judiciaire a été ouverte en novembre 2022, et c’est dans ce cadre juridique que l’opération du jeudi 26 janvier a été menée.
➤ Est-ce qu’une enquête préliminaire a été menée et a permis l’ouverture d’une information judiciaire ? Le délai entre l’ouverture de l’information judiciaire novembre 2022 et les perquisitions effectuées en janvier 2023 semble assez rapide pour ce genre d’affaire, surtout si on prend en compte la période de vacances de fin d’année qui vient s’immiscer entre ces deux dates.
➤ Peut-être, alors la justice possède des éléments suffisamment probants qui lui permettent d’accélérer l’enquête et de passer à la phase du déplacement des magistrats, sur les lieux, ce qui n’est pas courant, pour procéder à des perquisitions et des auditions de témoins.

Cette phase de perquisition s’articule dans un processus d’enquête traditionnel et permet la saisie de documents, de supports numériques et tout autre, afin d’étayer le dossier, et d’éventuellement trouver des preuves qui peuvent permettre de corroborer les soupçons. Nous pouvons sans préjuger affirmer qu’il aura une prochaine phase avec des personnes placées en garde à vue, c’est la suite logique dans ce type de dossier. Sans se perdre dans des conjectures, la saisine de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) confirme l’importance qui a été donnée par la justice à cette affaire.
Nous pouvons souligner que les soupçons de “trafic d’influence, d’escroquerie en bande organisée, d’abus de biens sociaux, de faux et usage de faux” permettent aux magistrats de ratisser large puis d’affiner en fonction des éléments trouvés afin de caractériser le ou les délits constatés.

Pour comprendre l’importance de la JUNALCO dans l’échiquier judiciaire nous avons ci-après explicité brièvement l’organisation des services de justice dans la lutte contre la délinquance financière.

Qu’est-ce que la JUNALCO ?

La lutte contre la délinquance financière s’est traduite par la mise en place, successivement, de plusieurs juridictions et parquets spécialisés.
Ces derniers disposant de moyens accrus et ayant tous vocation à intervenir à des degrés divers dans le cadre de la poursuite d’infractions. 
Les premières nées des juridictions spécialisées sont les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) au niveau régional, composées de magistrats du parquet mais également de magistrats de l’instruction, expérimentés et spécialisés, avec une activité qui s’articule autour de deux axes principaux : la criminalité organisée et les infractions économiques et financières.

La compétence des JIRS est concurrente avec celle des juridictions de droit commun, la JIRS devant être saisie lorsque l’affaire est d’une « grande complexité ».
Le parquet national financier (PNF) avec une compétence territoriale nationale, en activité depuis le 1er février 2014, est installé au sein du Tribunal judiciaire de Paris. Son activité est articulée autour de deux axes : une compétence exclusive pour certaines atteintes à la transparence et à l’intégrité des marchés financiers et une compétence concurrente pour un certain nombre d’infractions économiques et financières.

La JUNALCO, ou le dernier outil de lutte contre la criminalité organisée. La Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) est une section spécialisée qui a été créée en 2019 et mise en place au sein du tribunal judiciaire de Paris. Actuellement composée de sept magistrats pour sa section financière, l’un de ses axes d’action principaux est la traque des capitaux occultes
La compétence de la JUNALCO concurrente sur l’ensemble du territoire correspond, en résumé, au champ de compétence des JIRS en matière de criminalité organisée. La répartition des compétences entre les JIRS et la JUNALCO, se fait donc en fonction de la distinction dans les affaires du critère de la « très grande complexité ».

Une circulaire de 2021 précise que dans les champs de compétences relevant à la fois du PNF et de la JUNALCO, l’intervention de cette dernière devra être envisagée lorsque les agissements poursuivis résultent de « l’action planifiée et concertée d’une organisation ou d’un groupe criminel structuré (activité de type mafieux) ».
La mise en place de la JUNALCO s’est traduite par une réorganisation du parquet de Paris, au sein duquel la 3e division JIRS-JUNALCO, tournée vers la criminalité organisée, comprend désormais une section J2 « criminalité financière ».
Cette section J2 regroupe ainsi des procureurs ultraspécialisés, ces derniers se voyant confier des dossiers relevant de la criminalité organisée financière.

Attention à la désinformation

Comme nous le disions dans le chapeau de l’article, beaucoup de désinformation circulent en ce moment et la spéculation ou les inepties fleurissent à tout va.
➤ Non, le projet Iconic n’est pas arrêté. En effet, un chantier ne peut être arrêté pour une perquisition. Le diagramme de Gantt ou plus communément appelé planning n’a pas changé. Les entreprises qui travaillent sur le chantier en maintenant du mieux qu’ils peuvent les délais impartis, c’est à dire la livraison de l’ouvrage pour avril. Restera les finitions intérieures et la levées des réserves éventuelles.
➤ Non, le maire et les élus de la Mairie de Nice ne sont pas impliqués dans cette affaire. A ce stade, des élus ont été entendus, ce qui est normal dans l’enquête en cours compte tenu qu’ils étaient présidents du jury de la commission qui désigne le lauréat du projet. Personne ne peut affirmer aujourd’hui l’implication directe ou indirecte d’élus.
➤ Non, le PNF n’enquête pas avec la JUNALCO. Ce sont deux sections du tribunal judiciaire de Paris différentes. Le fait que la JUNALCO enquête et descente sur Nice montre l’importance de ce dossier qui peut avoir des ramifications internationales.
➤ Non, les services de la Métropole ne sont pas corrompus. Les services de la métropole sont nombreux en effectifs, et il serait diffamatoire et complètement inepte d’affirmer que les gens qui y travaillent soient corrompus. Comme nous l’affirmions, personne ne sait le contenu de l’enquête.

En conclusion, il faudra encore être patient pour connaître le fond et le résultat de l’enquête. Ces perquisitions et la présence de magistrats et de la JUNALCO lors de ces dernières montrent que le dossier est de grande importance. Elle se peut qu’elle ait des liens qui dépassent les frontières. Affaire très intéressante à suivre…


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