Juliette Chesnel-Le Roux a mené une enquête (téléchargeable ici) depuis plus d’un an sur l’état des établissements scolaires (primaires et maternelles) de la Ville de Nice à travers un questionnaire anonyme adressé à toutes les écoles gérées par la Ville. Sur 150 établissements qui ont reçu le questionnaire, la moitié a répondu. Soit 72 établissements. Les noms et les établissements ont été supprimés afin de garantir l’anonymat des personnes qui ont répondu. Les opposants écologistes rapportaient que “les directeurs et directrices ont tous reçu un mail d’une inspectrice de l’Éducation nationale les dissuadant de parler aux opposants de Christian Estrosi ” dans l’article de Nice-Matin du 15 Septembre 2022 . La rédaction vous résume tout.
Qu’apprenons-nous dans ce rapport ?
En avant-propos, l’élue écologiste indique que “la Ville de Nice ne dispose d’aucun rapport public sur l’état de ses infrastructure éducatives” et que pour pallier à ce manque, le groupe d’opposition “a préparé un formulaire anonymisé qui a été envoyé à tous les établissements scolaires de la capitale azuréenne“. Elle y évoque “une enquête réalisée la plus consciencieusement qu’il soit et qui mérite une approche plus exhaustive”. Elle demande que les services de la Ville puissent réaliser un audit sur l’état des écoles maternelles et élémentaires.
Selon le rapport, il est indiqué que la première urgence majeure à traiter serait l’étanchéité des bâtiments scolaires puis l’isolation et le revêtement des cours de récréation selon la récurrence des problèmes évoqués dans les réponses des formulaires.
Dans un premier chapitre, nommé Mobilier & équipements informatiques, nous apprenons que, parmi les 72 établissements qui ont répondu, près de 85% des écoles ont des tables et des chaises qui sont en bon état, que 94% ont des tableaux effaçables sont en bon état et que 75% de ces 72 écoles ont à disposition des conteneurs pour le trier le papier… Pour la partie numérique, 82% d’entre elles posséderaient un matériel de bonne qualité mais que dans 45 écoles il n’y aurait pas d’accès au wifi dans leurs classes. Il est aussi indiqué que dans 77% des classes parmi ces 72 établissements, il n’existerait pas de vidéo-projecteurs. Des témoignages abondent dans ce sens : “Il y a un besoin urgent de wifi et d’une base de données synchronisable avec le logiciel ONDE afin par exemple d’envoyer un mail, un message d’information ou d’alerte en un clic aux familles.” Il est souligné que les établissements scolaires entretiennent de bons rapports avec les services municipaux et les élus mais qu’ils sont obligées de puiser dans leurs propres réserves financières pour pallier le manque de matériel ce qui empièterait sur le budget des sorties scolaires ou des projets pédagogiques. Avec comme témoignages, cette fois-ci : “nous n’avons eu aucune aide (de la Mairie) et elle serait encore la bienvenue” ou “les rétroprojecteurs ont été installés par la Mairie mais ils ont été financés, ainsi que les tableaux blancs, par la coopérative de l’école” voire “Nous avons le matériel informatique et tout pour installer le wifi mais il nous manque (…) quelqu’un pour faire l’installation malgré mes demandes multiples dans ce sens“.
Dans une seconde partie, il est abordé l’accessibilité. Environ 41 écoles sur les 72 interrogés auraient des difficultés d’accès aux infrastructures sportives de la ville. En cause, l’isolement de certaines écoles sur le territoire niçois ou la difficulté d’accès aux transports en commun. Il est aussi indiqué que 83% des parkings seraient trop petits ce qui agacerait certains professeurs pour se stationner près de leur lieu de travail.
Vient ensuite, la partie sur les équipements extérieurs qui comprennent la cour de récréation, les espaces verts et les façades murales. Le rapport affirme que 49% des cours des 72 écoles seraient mal équipées mais que 71% ont suffisamment d’espace dans les cours. Des témoignages concernant le bitume de la cours de récréation sont également évoqués. Pour les données moins intéressantes, il est indiqué que 50% des 72 établissements ne seraient pas équipés de potager, et que 59 écoles ne seraient pas végétalisées.
Enfin dans la quatrième partie du rapport, la qualité du bâti est abordé. Nous apprenons qu’environ 31 écoles manqueraient d’espace. Certains témoignages évoquent : “qu’il y a presque deux fois plus de classes que ce qui était prévu à l’origine, il n’y a donc pas assez de dortoir, pas assez de place de cantine…” mais aussi que dans certaines écoles il n’y aurait pas de salle de maître. Les écologistes mettent en avant le fait que les grands travaux immobiliers ont densifié certains quartiers et que les établissements scolaires n’auraient pas évolués, surchargeant ainsi les capacités des écoles à accueillir les enfants dans les meilleures conditions possibles.
Concernant le volet thermique, il est indiqué que 97% des écoles interrogées évoquent des problèmes de chaleur en été et que 71% des écoles interrogées évoquent des problèmes de chauffage en hiver. Autre problème évoqué : le double vitrage, 60% des écoles parmi les 72 ne seraient pas équipées de double vitrage. Le groupe d’opposition pousseraient pour un programme similaire au programme de réhabilitation énergétique des logements (PIG) destiné aux établissement scolaires de la Ville.
De plus, 80% des écoles interrogées auraient des problèmes d’infiltrations d’eau. Les problèmes d’étanchéités reviennent fréquemment dans les témoignages tels que : “Lors de fortes pluies, il y a des infiltrations dans la BCD” ou encore “nous avons une infiltration depuis des années (…) et notre crainte c’est qu’un jour le plafond s’écroule.” Enfin certains témoignages soulignent une vetusté de certains locaux scolaires : “notre salle de repos des agents/cuisine a besoin d’être refaite car les meubles sont vétustes et infestés de cafards“.
En conclusion, le rapport met en avant quelques chiffres-clés évoqués précédemment et livre un comparatif des budgets dans les écoles de différentes villes de taille équivalente. Il est indiqué qu’à Lyon, par exemple sur un ensemble de 207 écoles publiques, un investissement de 33 M€ a été réalisé. Dans la ville de Bordeaux, 26,8 M€ ont été alloués pour 113 écoles publiques, et à Toulouse, 13,2 M€ pour la rénovation du bâti scolaire, 27M€ pour la création de nouveaux groupes scolaires, 1 M€ pour le plan Numérique, l’équipement mobilier et la résorption des bâtiments modulaires. Dans notre capitale azuréenne, seulement 10,7M€ auraient été budgétisés pour 154 écoles publiques. Les sources de ces chiffres proviennent des comptes administratifs et des comptes-rendus des différents Conseils Municipaux.
En fin du rapport, il est indiqué que budget alloué aux écoles par la Ville de Nice aurait été divisé par deux en cinq ans. Le groupe écologiste rappelle que la majorité des informateurs sont satisfaits du travail effectué par les agents et les élus auxquels ils ont à faire mais ce qui pose réellement un problème serait la faiblesse des budgets alloués.
La réponse de la Mairie :
La réponse de la Mairie ne s’est pas faite attendre, en effet, la Ville a lancé dans un premier temps un communiqué de presse dénonçant qu’elle n’avait pas pris connaissance du rapport et avançant que des “méthodes douteuses” ont été utilisées pour réaliser le “pseudo-rapport”. Nice-Matin évoque que les services de la Maire n’ont pas répondu aux questions précises ni point par point, seulement par mail.
Le services de la Mairie écrivent : “Nous sommes questionnés sur un pseudo rapport, dont nous ignorons totalement le contenu, et dont on sait uniquement qu’il n’a ni été fait par des experts, ni par des ingénieurs, mais par des opposants aux méthodes douteuses. Tout cela fait que ce rapport n’a aucune crédibilité. Un pseudo rapport qui n’a même pas été adressé au Maire, alors que l’adjoint a l’éducation a, par deux fois, proposé aux élus écologistes de les recevoir pour leur présenter les plans des travaux et d’entretien des écoles. Evidemment, une proposition de rencontre à laquelle les élus d’opposition n’ont même pas daigné répondre. Cette rencontre aurait pourtant permis à Jean-Luc Gagliolo, Adjoint délégué à l’éducation et Pierre Fiori, délégué aux bâtiments communaux et subdélégué aux travaux dans les écoles, de parler des 150 écoles publiques de la ville de Nice, que nous suivons dans le détail. Elle aurait aussi permis de rappeler à ces élus de l’opposition, qui ne sont jamais intéressés aux questions d’éducation, que les 25 millions d’euros évoqués comme dépenses d’investissement en 2017, correspondent en réalité aux travaux des écoles, auxquels s’ajoute la réalisation de la 1ère cuisine centrale de France sans plastique, qui fait de Nice une ville exemplaire et pilote, au bénéfice de la santé de nos enfants.”
Ce premier communiqué rappelle aussi que les élus d’opposition n’ont jamais répondu favorablement aux invitations de la Mairie “pour leur présenter les plans des travaux et d’entretien des écoles “
Dans un second temps, une lettre du 19 septembre écrite par Jean-Luc Gagliolo a été envoyée à l’élue d’opposition, Juliette Chesnel-Le Roux. L’adjoint au maire fustige à nouveau le rapport de l’opposition en apportant quelques détails supplémentaires :
“Les chiffres du budget Vie scolaire que vous brandissez en couverture sont issus du rapport de présentation du budget Primitif et non du Compte Administratif. Sur la même page, vous évoquez un budget de 23,8 M€ en investissement pour 2017, afin de prouver une prétendue baisse. Vous négligez donc délibérément que sur ce budget. 4.28 M€ étaient destinés à l’enseignement supérieur : que 3.22 M€ étaient destinés à la construction du groupe scolaire Saint-Isidore, que 8.27 M€ étaient destinés à la cuisine centrale. Cet oubli – cette non-analyse, plutôt – se répète sur les années suivantes : une élémentaire bonne foi ou compétence vous aurait amené a comparer des données comparables + les dépenses récurrentes.
Vous affirmez en page 4 que 62,5 % des écoles n’ont pas accès au Wi-fi, quand ce sont 70 % qui y ont accès. Selon vous, 81% des écoles ne sont pas végétalisées. En réalité. 30 % le sont delà. Au-delà de cette erreur vous négligez le plan de déploiement en cours que vous connaissez nécessairement puisqu’il a été présenté en Conseil Municipal. “
Au delà de la diatribe politique écrite plus-bas dans le courrier Jean-Luc Gagliolo rajoute que “9.000 interventions annuelles ont réalisées les Ateliers Scolaires et 1200 chantiers ont été réalisés“.
L’Analyse :
Soyons honnête, le rapport de Juliette Chesnel nous a agréablement surpris. Entre les invectives et les inepties politiciennes quotidiennes, avoir un peu de datas et de statistiques à lire, nous change la vie. Il est dommage que les élus écologistes aient refusé deux fois les invitations de l’adjoint en charge de l’éducation pour la présentation du plan des travaux et des entretiens des écoles. Que le rapport soit utilisé a des fins politiques est une chose, mais le travail consciencieux qu’elle a réalisé ne peut être nié ou accusé de méthodes douteuses compte tenu que les échantillons des statistiques sont indiqués, et que les données brutes sont accessibles. Il manque certainement quelques précisions ou un questionnaire plus étoffé compte-tenu que l’enquête indique qu’il s’agit d’un constat tiré de témoignages et qu’un audit sur l’état des établissements scolaires niçois serait lebienvenu. Nous passerons les parties potager et wifi qui nous semblent les moins percutantes, la dernière partie concernant la qualité du bâti est, à notre sens, beaucoup plus intéressante. En effet les problèmes thermiques et d’étanchéités sont des problèmes inhérents aux vieux bâtiments ou vétustes compte-tenu des normes qui évoluent (RT2012 – RE2020), des changements climatiques que nous constatons (canicules) ainsi que des événements macro-géopolitiques et macro-économiques que nous subissons (guerre en Ukraine, hausse des prix de l’électricité). Il serait peu acceptable que certaines écoles maternelles ne soient pas équipées aux normes ERP catégorie 3, 4 ou 5 notamment au niveau du double vitrage des menuiseries extérieures ou rencontrent des problèmes d’étanchéité de manière inhérente voire ne sont pas équipés de climatisation. Il est important de rappeler que le contrôle des normes ERP dans les écoles maternelles se fait régulièrement, tous les 3 ans pour la catégorie 3, tous les 5 ans pour la catégorie 4, et de façon aléatoire mais pas obligatoire pour la catégorie 5 (moins de 100 enfants et sans étage).
La réponse de la Mairie reste pour le moins lunaire et décevante. Au lieu de répondre de manière argumentée, pédagogique et constructive aux médias qui se posent naturellement des questions et aux opposants politiques auteurs de ce rapport, les services de la Mairie ont préféré fustigé le côté politique du rapport, les “méthodes douteuses”, et partir dans une diatribe à coté de la plaque. L’adjoint à l’éducation, Jean-Luc Gagliolo loupe une opportunité de démontrer les faiblesses, s’il y a lieu, du rapport en s’appuyant sur des chiffres (seuls quelques uns ont été avancés mais de manière imprécise particulièrement sur le nombre de chantiers réalisés, sur le wifi et les investissements), sur un rapport des états des écoles, et de rappeler les grandes lignes de la politique de la Ville en matière d’éducation mais aussi les difficultés et contraintes rencontrées pour mener à bien l’entretien, la rénovation et l’amélioration des bâtiments scolaires.
Il aurait pu s’appuyer notamment sur le Projet Educatif Territorial de la Ville de Nice 2021-2024, (téléchargeable ici). Dans ce document, il est indiqué, page 22, que le budget annuel d’entretien des écoles est de 5M€ afin de répondre aux attentes en matière de rénovation énergétique, d’huisseries, d’étanchéité et de petits travaux d’embellissement des locaux. Page 23, il est indiqué que dans le cadre des restructurations majeures, la “Ville de Nice procède à des rénovations structurelles d’écoles, afin d’en améliorer l’accessibilité, de les moderniser, et surtout, de répondre à l’évolution démographique du territoire, en constante augmentation : construction de nouvelles écoles, travaux de restructuration ou d’extension majeurs qui concernent tant les locaux scolaires que ceux de la restauration scolaire“. Notamment avec la construction de 3 nouveaux groupes scolaires : une école primaire dans les quartiers Est, un nouveau groupe scolaire sur le quartier de l’Ariane et un groupe scolaire à l’Ouest « Nice Méridia » qui fera partie d’un projet expérimental conçu dans une logique intergénérationnelle : ce bâtiment regroupera à la fois une école, une crèche et une maison de retraite. Son ouverture est prévue pour la rentrée scolaire 2024. Nous apprenons aussi que des restructurations et extensions d’écoles sont également prévues dans les années à venir avec la réhabilitation de l’ancienne école maternelle Saint-Isidore et sa restauration scolaire pour 2022-2024, l’extension de l’école du Ray Gorbella et la restructuration intégrale de la restauration scolaire par la création d’un self pour 2022-2025, l’extension de l’école Aimé Césaire, avec la création de 4 nouvelles classes pour 2022-2025, et l’extension de l’école du Bois de Boulogne, avec la création de 11 classes supplémentaires. De plus, il est indiqué que depuis 2017, plus de 50 classes de
CP et CE1 ont ainsi été créées car dédoublées. Pour la rentrée 2021, ce sont 14 classes de grandes sections de maternelle qui l’ont été à leur tour. Le dédoublement d’une quinzaine de classes supplémentaires de GS est à prévoir pour la rentrée 2022-2023.
Dans le PEDT de la Ville de Nice, le plan numérique et de végétalisation des écoles sont aussi abordés sans oublier la sécurité la restauration, la culture…
Les tweets du conseiller municipal Pierre Fiori sont certes indicatifs sur le coûts et la nature des travaux réalisés pendant les vacances scolaires mais une réponse éclairée aurait permis aussi d’informer aussi le citoyen niçois qui n’est pas domicilié dans les bureaux de l’Hôtel de Ville ou qui n’est pas invité à la présentation du plan des travaux et d’entretien des écoles afin qu’il ait un suivi des travaux et projet et d’éteindre toute polémique…
Bref, le rapport du groupe écologiste reste un document, non exhaustif mais intéressant, de remontée de terrain sur un faible panel d’échantillons. Il est clair que la réponse de la Mairie est insuffisante et qu’un rapport public sur l’état des infrastructures éducatives serait le bienvenu voire un suivi public de la réalisation du Projet Educatif Territorial de la Ville de Nice 2021-2024. De ce rapport public et constructif établi par la Mairie, il viendra alors le besoin ou non d’un audit complet et d’un renforcement ou non des mesures à prendre en matière de politique publique d’éducation. Mais compte-tenu des problématiques géo-économiques, il serait judicieux de réviser le Projet Educatif Territorial de la Ville de Nice 2021-2024 en temps réel.