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Démolition d’Acropolis – Jean-Paul Cordéro : “Les hôteliers ont besoin de 20% de congressistes”

L'Echo du Mercantour poursuit ses entretiens autour de la démolition d'Acropolis. Ancien Président d’Acropolis et du syndicat hôteliers, actuellement trésorier du CRT Nice Côte d’Azur, Jean-Paul Cordéro alerte sur les conséquences pour le tourisme d’affaires, de l’absence de Palais des Congrès.

EDM – Selon la mairie, le Palais en centre de ville est un concept dépassé, au bénéfice d’une structure excentrée : est-ce que vous partagez cette vision ? 

Jean-Paul Cordéro – J’ai fait des salons à Madrid, à Berlin, à Chicago : dans ces villes comme dans beaucoup d’autres, les palais des Congrès sont très éloignés du centre. Mais Jacques Médecin avait voulu placer le Palais des Congrès à proximité des hôtels, et indiscutablement c’est un atout. Acropolis a d’ailleurs été l’un des palais les plus remarquables. Je rappelle que madame Piétri, qui était directrice d’Acropolis, était également présidente de l’ICCA, l’organisation internationale des Congrès, ce n’est pas un hasard, et cela avait des retombées positives pour Nice. Acropolis n’était pas dans l’anonymat comme le sont beaucoup de structures d‘autres villes en France ou ailleurs. Nous étions en première ligne, bien placés par rapport à Paris, par rapport à Cannes, notre principal concurrent (ndlr : qui a récupéré plusieurs manifestations depuis l’annonce de la destruction d’Acropolis). Certes, Acropolis est un bloc de béton, pas particulièrement beau, mais à l’intérieur, la salle Apollon (2 500 places, une scène de 1000 m2) notamment constitue un outil exceptionnel. Lorsque j’ai pris la présidence du Palais, en qualité d’ancien président des hôteliers, j’étais et je reste persuadé que la ville de Nice a besoin d’un palais des Congrès pour bénéficier du complément apporté par le tourisme d’affaires au tourisme de loisirs. Les hôteliers ont besoin d’un pourcentage d’environ 20% de congressistes. Si elle n’a pas ces 20%, l’hôtellerie fait une mauvaise année. L’année 2022 a été bonne en termes de tourisme de loisirs parce que l’on sort du Covid, mais il s’agit d’un contexte exceptionnel. 

La Côte d’Azur semble pourtant miser sur l’augmentation du tourisme de loisirs : vous n’y croyez pas ?

Il ne suffit pas. En outre, il est à contre-courant de ce que l’on souhaite pour la ville de Nice, un tourisme de haut de gamme, maîtrisé, pondéré. Alors que l’on veut arrêter les travaux d’extension de l’aéroport. On veut, et j’y souscris, un tourisme de qualité, et le tourisme d’affaires en fait partie. Quand on voit la dépense moyenne par congressiste par rapport au tourisme de loisirs, il n’y a pas photo. (NDLR : en 20 ans, la dépense par congressiste est devenue 4 fois celle du tourisme de loisirs et l’écart s’est creusé en ce sens au fil des années). 

Le Maire de Nice affirme que le Palais Acropolis est trop petit et obsolète : vous n’êtes pas d’accord ?

Le palais avait effectivement besoin d’être rénové, Jacques Peyrat, le prédécesseur de Christian Estrosi, n’a pas voulu y procéder pour diverses raisons. Nous avions étudié la construction d’une liaison (ndlr : au moyen d’une passerelle) entre Acropolis et le Palais des Expositions mais  elle n’a pas été réalisée. Mais dès lors que j’ai pris la présidence d’Acropolis et par la suite, le chiffre d’affaires a été en progression constante. Nous avions hérité d‘un déficit de 2 million d’euros, lorsque j’ai quitté la présidence, il était tombé à 200 000 euros. Acropolis était, et il reste, l’outil principal de la ville de Nice en matière de Congrès, il est indispensable. Lorsque nous avons reçu le sommet de l’OTAN (en 2005), Nice était le centre du monde. Cela avait été un succès, j’en avais discuté avec madame Michèle Alliot-Marie, qui était alors ministre de la Défense. L’organisateur du congrès de cardiologie, qui venait tous les deux ans, m’avait confié qu’il commençait à manquer de place : nous avons étudié la possibilité de récupérer l’espace occupé par la Médiathèque et le bowling, qui aurait très bien pu déménager (ndlr : il va prochainement déménager à Cap 3000 à Saint-Laurent du Var). Nous en avions discuté avec les élus et l’exploitant, mais ça n’a pas abouti, faute de volonté du maire de l‘époque (Jacques Peyrat). Nous avons développé de nouvelles activités : des concerts, des spectacles, des opéras en complément de celui de Nice, qui est petit, et on faisait salle comble, 2 500 places. Franchement, détruire Acropolis, et sans avoir construit une structure de remplacement, c’est rayer Nice de la carte du monde des Congrès !

“Partout, l’hôtellerie de luxe se fait en centre-ville.”

Pensez-vous que cette situation soit irréversible ?

On peut toujours relancer une activité, mais un Congrès se négocie plusieurs années à l’avance, or la construction du futur PE n’est pas commencée, on ne sait même pas si les terrains vont être libérés par les occupants actuels. Pour déplacer le MIN, il aurait fallu que ce soit acté et que la construction du nouveau Palais soit commencée. Il faut 2 ans pour construire une  structure, et encore 3, 5 ou 10 ans pour récupérer des manifestations. Comment commercialiser des événements futurs sans savoir où il sera, quand il sera construit, comment il sera ? 

Auriez-vous des pistes pour des solutions transitoires ou définitives ?

Il est difficile d’envisager quelque chose sur du sable. On démolit sans savoir où sera le futur Palais ni même s’il existera. Les grands groupes hôteliers se sont rués sur l’Arénas parce qu’on leur a sûrement fait des promesses, car sinon ils n’y seraient pas allés. Qu’iraient-ils faire là-bas ? Mais partout, l’hôtellerie de luxe se fait en centre-ville. A New York, les hôtels de luxe ne sont pas situés à  proximité des palais des congrès, ils sont en centre ville. Construire des hôtels internationaux à l’Arenas aurait un sens s’il y avait un Palais : l’aéroport, la gare multimodale, les hôtels, le Palais, c’est cohérent. Mais où est le Palais ? On a fait les choses à l’envers !

Quelle conséquences attendez-vous pour l’économie locale ? 

Les commerces avaient vu l’arrivée d’Acropolis comme un soulagement et une possibilité de survie. détruire Acropolis va remodeler l’aspect et le territoire du centre-ville, je me fais du souci pour les commerces. Si je suis le seul, tant mieux pour eux, c’est que tout va bien. Car je n’entends guère les hôteliers du centre ville s’exprimer sur leurs difficultés à venir en l’absence de Palais des Congrès, avec dans le même temps la construction de 1 500 chambres à l’Arénas. 

La mairie a évoqué, entre autres pistes, la construction d’une structure dans le périmètre de Nikaïa : y voyez-vous une possible solution ?

Cette éventuelle structure provisoire (ndlr : une tente à proximité du bâtiment principal) ne pourrait absolument pas accueillir des Congrès. Elle pourrait seulement permettre d’organiser des petites manifestations. Or, celles-ci entreront en concurrence avec les hôtels, qui possèdent des salles susceptibles d’accueillir ce type de petites manifestations. Ce sera donc au détriment de l’hôtellerie. Il est vraiment important de placer côte-à-côte, en mode complémentaire, le tourisme d’affaires et le tourisme de loisirs.

“Même trop petit, Acropolis existe et permet de réaliser un certain nombre d’événements.”

Le Palais des Expositions actuel pourrait-il constituer une alternative ? 

Il nécessite des investissements. Il convient très bien pour des expositions et des salons,mais si on veut l’utiliser pour des congrès, il faut y réaliser des investissements importants. Mais ce n’est manifestement pas la volonté du maire, qui veut créer une structure au Nikaïa ou au MIN. En même temps, détruire Acropolis et transférer son activité au PE pour gagner quelques centaines de mètres de carré de verdure, ça me laisse perplexe. Même trop petit, Acropolis existe et permet de réaliser un certain nombre d’événements. 

Selon vous, le tourisme d’affaires n’a plus d’avenir à Nice ?

Acropolis n’est pas le seul enjeu. Il faut aussi envisager la question du CRT (Comité Régional de Tourisme). Nice est une exception : il existe un CRT régional (CRT PACA), un CRT départemental (le CRT Côte d’Azur), un Office du Tourisme métropolitain (Office du Tourisme Métropolitain Nice Côte d’Azur). La Région a décidé de cesser de financer le CRT départemental et exige qu’il change de nom. Or, le CRT départemental est un outil très qualifié, composé de personnes très compétentes, dont l’expertise est précieuse pour hôteliers notamment. En ce sens, le président du Département doit continuer à le soutenir. Mais il faut aussi être rationnel. Où sont les économies d’échelle ? Nous ne pouvons pas avoir au sein d’un département deux structures qui font la même chose, économiquement c’est une aberration. L’office de tourisme métropolitain recueille des financements de toutes ses villes et ses villages, mais le CRT départemental est plus qualifié. D’ailleurs, depuis que son directeur a été récemment remercié, on n’entend plus parler de l’OT. En tant qu’ancien professionnel de l’hôtellerie, j’estime qu’il faut privilégier la compétence. 

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