Eric Ciotti a limogé le numéro 2 du parti ©Jean-christopheMagnenet/AFP
Le mercredi 18 Janvier 2023, le nouveau patron des LR avait présenté son organigramme du parti nommant comme vice président délégué du parti, le député Aurélien Pradié sous les critiques sévères du finaliste Bruno Rétailleau. Ce dernier dénonçait que “l’organigramme d’Eric Ciotti ne tenait pas compte des équilibres issus du scrutin.” Et que les accords entre les deux n’étaient pas respectés. Il ajoutait que “la confiance est le préalable indispensable au rassemblement.” La réponse du nouveau patron des Républicains ne s’était pas faite attendre. « J’ai voulu que cette équipe dirigeante soit (…) le reflet de l’unité retrouvée », avait-il expliqué au Figaro.
Mais retournement ubuesque samedi dernier, le député de la 1ère circonscription des Alpes-Maritimes a demis de ses fonctions son numéro 2 seulement un mois après sa nomination. La raison : ses prises de position récentes concernant les retraites et son combat pour les carrières longues. Eric Ciotti explique dans son communiqué que “les prises de positions répétées (d’Aurélien Pradié) n’étaient plus conformes avec les valeurs de cohérence, d’unité et de rassemblement qui doivent guider la droite républicaine” . Il dénonce par ailleurs “une aventure personnelle.”
Le torchon brule chez les Républicains
Entre incompréhension et levée de bouclier, la nouvelle a fait du bruit. En effet, beaucoup de personnalités du parti de droite s’étonnent de cette décision comme, Annie Topiac, présidente du département du Gers qui “ne comprend pas très bien cette décision hâtive de M. Ciotti, Il ne méritait pas ça selon moi, c’est un des seuls qui prend la parole depuis longtemps, il n’a pas changé au fil de l’eau.” “Nous n’avons pas été informés de cette mise à l’écart. Cela nous tombe dessus.” ajoute-t-elle.
Dans la Haute-Vienne, le député Damien Maudet affirme qu’Aurélien Pradié “n’a souhaité être ni macroniste, ni lepeniste. Alors, il vient de se faire virer du bureau national des Républicains.”
Xavier Bertrand, lui, ne comprend pas cette décision et indique que “la direction des LR avait assuré ne pas vouloir sanctionner ceux qui auraient une divergence sur la réforme des retraites. Alors, pourquoi cette décision d’éviction d’Aurélien Pradié ? Entre le rétrécissement et le rassemblement, j’ai toujours préféré rassembler. C’est la seule façon de reconstruire.”
Même son de cloche dans l’Oise et dans le reste de la France où d’autres députés dénoncent la décision du patron des LR. Concernant les militants, la déchirure est bien présente aussi. La majorité des adhérents du courant de David Lisnard, Nouvelle Energie, fustigent eux aussi la décision d’Eric Ciotti et doutent réellement de sa capacité à rassembler. Ces derniers dénoncent également que les propositions sur les retraites du Maire de Cannes n’ont même pas été écoutées. Entre les 22% de l’électorat des Républicains et ceux de Nouvelle Energie, ça commence à faire beaucoup… Du coté de la France qui travaille, il est certain que ceux qui ont commencé à travailler jeune, ne se lieront pas d’amitié avec le député-questeur même si le groupe des LR à l’Assemblée reprendra l’amendement du député Aurélien Pradié.
L’ex numéro 2 a répondu dans un communiqué qu’il “préfère la liberté de conviction à un poste quelconque. Ma parole est franche et elle le restera. Durant les semaines passées, j’ai refusé de céder aux nombreuses menaces et intimidations politiques. La décision annoncée par un communiqué de presse laconique du Président des Républicains est contraire à l’exigence du rassemblement et au respect de tous nos adhérents. Je reste et resterai toujours fidèle à ma famille politique. “ Il ajoute qu’il “refusera toujours que la droite devienne peu à peu la béquille conciliante de la macronie. Cette réforme des retraites reste injuste et mal préparée. Face au Gouvernement, les Français attendent des Républicains de la force, de la justice et du respect. Pas des négociations d’arrière cuisine politique.” De quoi faire bondir Eric Ciotti, dont l’autorité risque d’en prendre un coup.
Du coté du clan ciottiste, ses partisans essaient de se justifier tant bien que mal. Ils essaient d’éteindre l’incendie comme la sénatrice Alexandra Borchio-Fontimp qui affirme que “chez les Republicains nous avons toujours concilié toutes les sensibilités de la droite mais quand on est contre tout, tout le temps, c’est qu’on ne partage plus rien ensemble ! Alors il faut avoir le courage de raccompagner ceux qui ne se sentent plus à leur place ! ” . Le Sénateur Henri Leroy, proche d’Eric Ciotti, lui, se gargarise de cette éviction. “Une décision que la grande majorité des LR et des sympathisants attendaient – un message clair à tous ceux et à toutes celles qui jouent personnel et non pas collectif ! Bravo et merci au President Ciotti ! Nous avons un vrai chef à la tête de notre famille LR. “ s’exclamait-il. Pas sur que cette façon de communiquer soit rassembleuse…
Nice-Matin rapportait qu’Eric Ciotti affirmait dans une lettre qu’à pu consulter l’AFP que “dans une situation aussi grave pour notre pays, nous devons jouer collectif (…) Je veillerai à ce que notre famille politique conserve une ligne d’indépendance, avec une opposition claire au macronisme. ” “Quand la droite devient de gauche, elle se fourvoie“, assurait-il. Pas sur non plus que ces explications peu convaincantes rassurent les militants du parti. Le torchon brûle donc chez les Républicains, de quoi nous distraire pour les semaines à venir.
Une stratégie peu judicieuse
La stratégie employée par le député-questeur laisse perplexe les initiés de la politique locale ou nationale. En effet, il est stratégiquement inconcevable de virer son numéro 2 alors qu’il a été nommé par son président un mois auparavant sauf sous faute grave bien entendu. Dans le monde de l’entreprise, un vice-président est démis de ses fonctions lorsqu’un nouveau président prend ses fonctions dans un conseil d’administration et que le vice-président déjà en place ne correspond pas à la vision qui va être appliquée. Nous pouvons nous poser la question quant à la raison de cette décision. Au delà du positionnement d’Aurélien Pradié, qui a pointé une problématique légitime reprise par le groupe LR à l’Assemblée concernant les français qui ont effectué des carrières longues, Eric Ciotti est certainement chahuté à l’intérieur du parti par des dissensions idéologiques. Le président LR élu à 54% des voix souffre peut-être d’un manque de légitimité ou un manque d’autorité en interne et a voulu montrer qui est le patron. Cette technique ne permet pas de rassembler mais plutôt de diviser en écartant les rivaux et d’assoir une autorité forcée qui risque d’être peu payante à long terme. Se cacher derrière le gaullisme, et se revendiquer dans la lignée des ex présidents de droite montre une faiblesse à pouvoir justifier ses choix.
Il aurait été judicieux que ce dernier trouve un terrain d’entente avec son numéro 2. Et si de grosses dissensions avaient lieu, il aurait été plus opportun de les régler tranquillement en interne. Quand on vise à reconstruire un parti défait aux dernière élections, il faut savoir écouter toutes les sensibilités qui compose le parti. Et s’appuyer sur son numéro 2 comme un binôme complémentaire. Ainsi, comme disait très justement le maire de Cannes, David Lisnard, il faut un corpus fort d’idées où le débat, l’écoute des différentes sensibilités permettent d’enrichir les idées et les propositions que veulent défendre les LR. “Les négociation d’arrière cuisine politique” n’ont plus lieu d’être. Une nouvelle génération performante d’élus républicains est dans les starting-block. Il faudra composer avec et écouter ces jeunes qui ont le mérite d’être plus ancré dans la réalité de ce que vivent les français que les vieux dinosaures Républicains.
Un proche d’Eric Ciotti qui a voulu rester anonyme, nous confiait que le député “n’écoutait plus que lui-même, il a de moins en moins confiance en ceux qui l’entourent (…) Espérons que c’est une mauvaise passe et qu’il va s’ouvrir un peu aux autres, on a des élus jeunes et qualitatifs dans le parti, il faut commencer à construire l’avenir”
Dans tous les cas, le chemin est encore long avant les prochaines élections présidentielles mais entre les égos au sein du parti, les différentes sensibilités qui prennent de l’ampleur comme Nouvelle Energie de David Lisnard, la Droite populaire d’Aurélien Pradié ou la vision de Bruno Retailleau, la solution réside certainement à regrouper toutes ses forces et de les utiliser pour en tirer la quintessence afin de construire la droite de demain. Il devra sortir de son clanisme avec lequel il a l’habitude de gouverner dans le département et commencer à attirer la nouvelle génération. Eric Ciotti doit être le sage et non l’autocrate du parti. Le chef d’orchestre des différents courants. Rassembler par le diktat et l’autorité forcée ne pourra que lui causer du tord, et condamnera le parti. Mais en est-il réellement capable ?