EDM – Le département des Alpes-Maritimes est le plus soumis aux aléas sismiques : une fois ce constat établi, peut-on faire autre chose que s’inquiéter ?
Ladislas Polski – Ainsi que cela a été rappelé durant cette conférence, plusieurs épisodes historiques ont effectivement confirmé que nous sommes, ici, confrontés à un risque majeur, qui est le risque sismique. En parler ne doit pas concourir à inquiéter la population, mais à l’informer afin de lui permettre de se préparer au mieux.
L’étude du risque sismique est une science relativement récente : en sommes-nous aux prémices ?
L’étude du risque est récente à l’échelle de l’histoire de l’humanité, mais comme dans beaucoup de domaines scientifiques de notre époque, la connaissance a considérablement progressé. Celle du risque sismique est aujourd’hui extrêmement précise, nous disposons d’outils de modélisation qui permettent de répercuter, en fonction de ce que serait la magnitude d’un séisme, ce que seraient les conséquences sur notre territoire. Il existe évidemment une incertitude car lorsqu’on parle de projection, on ne parle pas du réel. D’où l’intérêt de se préparer pour être le plus efficaces possible s’il survient un événement de ce type.
Un séisme est difficile à prévoir : dès lors, quelle est en ce domaine la priorité de l’Agence de sécurité créée par la Métropole ?
L’Agence de Sécurité Sanitaire Environnementale et de Gestion des risques (lire encadré ci-dessous) a deux missions. D’une part, une mission opérationnelle. Elle est intervenue lors de la tempête Alex pour coordonner les actions de la Métropole, notamment en termes de secours aux sinistrés. Durant la crise Covid, elle est intervenue pour l’organisation des centres de dépistage et de vaccination. Dans la crise ukrainienne, pour coordonner la solidarité. D’autre part une mission de prospective, particulièrement importante, dans le cadre de laquelle s’insère cette conférence. L’objectif vise à emmagasiner de la connaissance destinée à alimenter les politiques publiques afin que les décisions que nous prendrons en termes d’aménagement, puissent être nourries en permanence d’un état de connaissances le plus actualisé possible. Afin, aussi, d’apporter ces connaissances au grand public, afin que nos concitoyens connaissent le risque, sachent quels sont les premiers réflexes à adopter et comment agir en cas de crise. Cette culture du risque doit être nourrie car les dernières années ont montré que les risques sont nombreux et majeurs, les évolutions climatiques que nous vivons peuvent entraîner des risques naturels. Protéger la population en lui enseignant les bons réflexes est aussi un enjeu important.
Dans un domaine qui relève de la science, quel est le rôle du Vice-président de la Métropole en charge des Risques majeurs ?
Ma mission consiste à essayer de coordonner la façon dont on doit gérer la question du risque, dans l’ensemble des politiques publiques de la Métropole. L’un des risques les plus importants auxquels nous sommes confrontés est l’inondabilité : c’est par exemple en nous appuyant sur des travaux scientifiques et de modélisation, que nous avons pu, concrètement, enlever une immense remblais qui obstruait le cours du Paillon depuis des décennies et diminuer ainsi le risque d’inondabilité en libérant le lit du fleuve. C’est aussi ce que nous avons évoqué : confronter la connaissance que nous avons du risque sismique à la façon dont nous allons aménager notre territoire. Notamment, le PLU métropolitain, qui est le document structurel de l’urbanisme, doit être alimenté par les réflexions qui procèdent de l’étude du risque. La compétence Risques majeurs est donc transversale et a vocation à intégrer cette notion du risque dans l’ensemble des politiques publiques que nous menons.
Est-ce que le fait d’être le maire d’une commune particulièrement soumise au risque d’inondabilité a joué un rôle dans le choix de votre délégation ?
Lors de ma première conversation avec le président de la Métropole à la suite de mon élection, j’ai effectivement souhaité que la délégation qu’il me confierait puisse toucher à ces enjeux de l’aménagement du territoire au sens large et d’intégration de l’une des spécificités de notre territoire métropolitain et départemental, et de connaître quasiment l’ensemble des risques majeurs possibles sur ce territoire, qui est à la fois un territoire d’exception entre mer et montagne, mais qui, du fait de cette exception, est aussi un territoire exceptionnellement soumis au risque.
Séismes, tsunamis : le territoire maralpin sous haute surveillance
L’Agence de Sécurité Sanitaire Environnementale et de Gestion des risques récemment créée par la Métropole NCA organisait le 26 septembre au CUM de Nice une conférence (1) sur le risque sismique, particulièrement élevé dans notre département. Trois conférences sur le même thème sont programmées en novembre à Isola, Levens et au Parc Phoenix (2).
“Là où la terre a tremblé, la terre tremblera” : Edmond Mari (voir note 1.) donne le ton. Ce n’est pas une révélation, le département des Alpes-Maritimes est le plus exposé au risque sismique. Au point, en cas de catastrophe majeure dans le département, de faire peser une menace grave sur l’ensemble du secteur assurantiel national. Ce qui n’est pas anecdotique, s’agissant d’indemniser les personnes sinistrées. Pourtant, alors que l’histoire locale a connu plusieurs événements parfois dramatiques (le “séisme nissart” en 1564 a tué entre 800 et 900 personnes, puis ceux de 1644, 1887, 1909, 1963, 1995, 2001 ont eu des conséquences plus ou moins catastrophiques), le sujet est resté tabou jusque dans les années 80 (allez savoir pourquoi, même si nous avons bien une petite idée…) tandis que l’un de ses effets secondaires, le tsunami (en cas de séisme en mer), était “oublié” dans les études. Réalisme oblige, ces risques sont aujourd’hui officiellement reconnus et pris très au sérieux. C’est pourquoi la Métropole NCA a créé en juillet 2020 l’Agence de Sécurité Sanitaire Environnementale et de Gestion des risques, au spectre cependant, comme son nom l’indique, plus large que le seul risque sismique (lire interview ci-dessus).
Il reste néanmoins que malgré l’avancée de la science, il reste très difficile de prévoir un séisme. Notamment parce que notre région étant régulièrement sujette à des secousses, pour la plupart imperceptibles pour l’homme mais enregistrées par les sismographes, il est impossible de déterminer si celles-ci sont isolées, ou annonciatrices d’une secousse plus importante. Et pour noircir totalement le tableau, aussi bien le séisme principal que ses “répliques”, inévitables, peuvent, si le séisme se produit en mer, provoquer un tsunami qui, s’agissant de notre littoral, pourrait générer une vague de 2 mètres de haut susceptible de submerger la partie basse de nos villes côtières sur 200 mètres, du type de celui survenu le 16 octobre 1979 à Saint-Laurent du Var, lorsqu’une vague charriant 400 000 m3 d’alluvions déferlant à 40 kilomètres-heure avait détruit une digue de l’aéroport et entraîné plusieurs décès.
Comme il vaut mieux prévenir que guérir mais qu’en l’occurrence, il reste douteux de pouvoir prévoir l’”aléa” lui-même (c’est-à-dire la secousse, le “risque” étant la somme des facteurs “aléa” + “enjeu” + “vulnérabilité”), les autorités, à travers l’Agence de Sécurité métropolitaine, ont mis en oeuvre deux démarches de prévention. L’une consiste en cas d’urgence à prévenir, au sens propre, les populations, au moyen (entre autres) d’un réseau d’alerte SMS et de hauts parleurs situés sur les plages, et à titre d’anticipation, à diffuser des informations et des formations destinées à préparer les personnes à agir et réagir en cas de séisme. L’autre (la mission opérationnelle) consiste à coordonner tous les moyens de secours aux sinistrés et aux structures prioritaires (hôpitaux, écoles…) en fonction de différents scénarios construits à partir de différentes magnitudes possibles.
A un autre niveau, l’Agence a également pour objectif (voir interview ci-dessus) d’intégrer la culture du risque” (la somme des connaissances et leur actualisation permanente) au cœur des politiques publiques, particulièrement en termes d’aménagement du territoire.
- Intervenants : Laurent Balestra, Géoazur, ingénieur de recherche; Edmond Mari, Maire de Chateauneuf Ville-Vieille, conseiller métropolitain, docteur en géologie et président du Cypres; Samuel Auclair, BRGM, ingénieur sismologue; Frédéric Castagnola, Lieutenant colonel SDIS 06; Olivier Javelle, Commandant SDIS 06; Ladislas Polski, maire de La Trinité, Vice-président de la Métropole en charge des risques majeurs, médecin.
- Isola village le 12 novembre – Levens le 19 novembre – Parc Phoenix les 26 et 27 novembre