Certains marchés de reconstruction des vallées métropolitaines ont été annulés après des irrégularités constatées dans la procédure comptable relative à l’exécution de ces marchés publics ©VilledeNice
Le 20 avril dernier, deux ans et demi après le passage de la Tempête Alex, la Métropole Nice Côte d’Azur relevait que certaines anomalies comptables avaient été observées “dans le règlement de certains chantiers ou opérations de travaux dans les vallées de la Tinée et de la Vésubie“. Par conséquent, et dans le respect de la loi, notamment de l’article 40, cette dernière a effectué un signalement au Procureur de la République. En amont, la Métropole avait annoncé avoir engagé des “mesures conservatoires de suspension d’agents“. Une enquête a alors été ouverte et est toujours en cours. Le vendredi 21 avril, des perquisitions ont eu lieu dans les locaux de la collectivité. Cette affaire n’a pas manqué de faire réagir les opposants au Président de la Métropole. En effet, le 26 avril, la Députée de la 5ème circonscription des Alpes-Maritimes, Christelle d’Intorni, a envoyé une lettre à destination de Chistian Estrosi pour lui reprocher bon nombre de choses.
Des propos fâcheux
Le calme politique était revenu dans notre conté maralpin, mais il aura fallu d’une étincelle pour raviver la guerre picrocholine entre nos deux barrons locaux. En effet, dans une lettre datée du 26 avril, révélée par Nice Presse, Christelle d’Intorni a réagit quant à cette histoire “d’anomalies comptables“. La Conseillère Métropolitaine ne s’est pas montrée tendre à l’égard du Président de la Métropole Nice Côte d’Azur. Premièrement, la Députée a reproché à Christian Estrosi de ne pas avoir tenu les élus au courant de la situation, en rassemblant “un conseil métropolitain extraordinaire“. Elle critique aussi la décision d’avoir engagé un “simple article 40“. Selon elle, si les éléments dont disposent la collectivité sont avérés, cette dernière aurait du être “qualifiée de victime directe“. Elle affirme que dans ce cas, un dépôt de plainte serait “privilégié“.
L’ancienne Maire de Rimplas regrette qu’une “vingtaine” d’agents aient été, selon ses termes, sanctionnés “sur la foi d’un simple signalement“. Elle apporte donc son “entier soutien à ces agents mis à pied, qui sont pour la plupart des agents de catégorie C, pour la majorité d’entre eux, lesquels ne sont que de simples exécutants sans aucun pouvoir décisionnel“. Le journaliste de Nice Presse ajoute qu’en “clair, pour elle, c’est au “cabinet du président de la Métropole et à ses conseillers” qu’il convient de s’intéresser“.
Le cas des entreprises en charge des chantiers des vallées est aussi évoqué, Christelle d’Intorni déclare que “Face à ces prétendues infractions pénales, vous indiquez avoir dénoncé les marchés publics […] Une telle décision me semble précipitée et lourde de conséquences”. Elle complète en indiquant “Vous décidez unilatéralement sans avoir consulté les élus, de rompre ces marchés et donc d’annuler purement et simplement tous les travaux de compétence métropolitaine dans les vallées“. “Vous avez outrepassé vos prérogatives” ajoute-t-elle. En supplément, Christelle d’Intorni écrit : “D’aucuns mis en cause se demandent légitimement si cette précipitation ne serait pas qu’un leurre, un contre feu pour vous permettre de faire de substantielles économies en annulant des travaux que vous ne pouvez plus financer“.
La Députée de la 5ème circonscription demande, à la fin de sa lettre, qu’une partie des documents liés à l’affaire soit transmise, aux Conseillers Métropolitains.
Une réponse chirurgicale de la Métropole
Mais il n’a pas fallu longtemps pour les services métropolitains mettent les choses au clair. C’est par la voie d’une lettre que l’avocat de la Métropole a répondu fermement aux propos, parfois inexacts, tenus par Chistelle d’Intorni. Le premier point sur lequel la collectivité revient est l’objet du courrier envoyé par la Députée. Ce dernier se dénommerait, à tort, “Appels d’offres MNCA Tinée -Vésubie”, alors qu’il s’agirait “très précisément d’irrégularités constatées dans la procédure comptable relative à l’exécution de marchés publics“.
Ensuite, l’ancienne Maire de Rimplas fait état d’une “vague de mises à pied conservatoires” qu’elle définit comme étant des “sanctions disciplinaires“. La Métropole rappelle qu’il s’agit “de mesures qui ont été prises à titre conservatoire et non de sanctions voire d’un jugement anticipé des agents concernés, lesquels devant, bien évidemment, bénéficier du principe de présomption d’innocence“. Cette mesure ne toucherait pas une “vingtaine” d’agents de catégorie C, mais impacterait “différentes catégories d’agents“.
En outre, la “dénonciation des marchés publics en vigueur” évoquée par la Députée serait “tout simplement infondée“. De plus, une maladresse a été commise par cette dernière. En effet, son courrier annonce que les perquisitions ont été initiées par le Parquet National Financier, alors qu’en réalité, elles ont été lancées par le Parquet de Nice à la suite de l’article 40.
De plus, le Bâtonnier du Barreau de Nice va mettre en lumière une incohérence dans les propos rédigés par la Conseillère Métropolitaine : “D’un côté vous semblez considérer que les conséquences attachées au dépôt du signalement en application des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale au Parquet de Nice sont de nature à causer de graves conséquences pour les agents concernés et les entreprises locales visées. De l’autre vous indiquez qu’un dépôt de plainte aurait au contraire dû être privilégié“. La Métropole se veut tout de même rassurante, car, si “une phase juridictionnelle devait être décidée par le Parquet de Nice“, “la Métropole pourrait alors […] se constituer partie civile en raison du préjudice subi“.
Dans cette situation, l’avocat invoque le droit à l’information et renvoie son ancienne consoeur à l’article L.311-5 du code des relations entre le public et l’administration. Cet article interdit la communication de “documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte […] au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente“. Au passage, la Métropole annonce que “les précisions communicables ont été exposées aux maires des communes valléennes à l’occasion d’une réunion qui s’est déroulée le 19 avril 2023 à laquelle était présent le Maire de Rimplas d’une part, et par le Parquet lui-même via un communiqué de presse en date du 21 avril 2023, d’autre part“.
La collectivité veut rappeler que l’initiative du signalement aux autorités judiciaires, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, provient d’elle même et de son Président. Cette décision justifierait la volonté des deux entités à vouloir suivre ce dossier “dans la plus grande transparence mais aussi dans le strict respect de l’enquête en cours et des investigations actuellement réalisées sous l’autorité du Parquet de Nice et dans le strict respect du principe de séparation des pouvoirs que chacun doit respecter“.
Que dit l’article 40 ?
Revenons sur l’article 40 du Code de procédure pénale dont il est question à l’origine. La loi stipule que “Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs“. C’est ensuite, à l’appréciation du Procureur de la République, de déterminer la suite de la procédure concernants ces dénonciations. Comme le souligne l’article 40-1, il peut “engager des poursuites“, “mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites” ou “classer sans suite la procédure“.
Plus précisément, l’article 40 prévoit que lorsqu’un agent public remarque un délit ou une infraction, quel que soit son degré, doit le signaler sans délai au Procureur. Une dénonciation n’est pas uniquement possible lorsque l’agent est sûr de l’exactitude des faits. En effet, ce dernier peut effectuer un signalement dès lors que les infractions présentent un “degré suffisant de vraisemblance” ou alors qu’ils “paraissent suffisamment établis“. Il sera du ressort de la justice d’établir si une infraction a été commise ou non. Il ne faut donc pas attendre d’avoir rassemblé toutes les preuves pour effectuer une dénonciation. Attention, il n’est pas question pour pour un agent d’avoir une “intime conviction“, mais plutôt une “connaissance objective” des faits.
La dénonciation n’est pas endiguée par le supérieur hiérarchique de l’agent public, elle peut donc être effectuée par la voie d’une lettre ou par déclaration orale. Toutefois, des poursuites pénales peuvent être engagées à la suite d’une dénonciation calomnieuse, contrairement à la non-dénonciation, qui, si il ne s’agit pas d’une “abstention fautive”, ne mène pas à une sanction pénale.