EDM – Sauf changement de cap, Acropolis va être détruit à court terme : quelle est aujourd’hui votre visibilité pour l’avenir ?
Guy Ferrandez – Je peux vous dire qu’à ce jour nous n’en avons aucune. Le 13 septembre, à la demande de la mairie de Nice, nous avons tenu une séance extraordinaire du CE dans le cadre de laquelle madame la directrice générale adjointe et un cadre des Ressources humaines sont venus nous présenter les positions de la mairie. Or, la seule annonce concrète est celle que la Régie perdurerait. Mais sans précision quant à la durée éventuelle de cette continuité et en l’absence de solution de substitution au Palais Acropolis, cette annonce ne réside sur aucun fondement réaliste. Après 2 ans d’attente et à quelques semaines de la cessation d’activité, les salariés d’Acropolis attendaient quelque chose de plus sérieux et de plus concret.
La continuation de la Régie n’est-elle pas une garantie de la poursuite de l’activité ?
Comme nous ne disposions d’aucune structure à proposer aux congressistes à court et moyen terme, nos clients habituels sont partis pour d’autres destinations, à Cannes, Marseille et à l’étranger, et nous n’avons pas pu en prospecter de nouveaux. En conséquence, nous n’avons plus d’événements programmés à partir du 1er janvier 2023.
Qu’en est-il du projet de reconstruction d’un PEX sur le MIN actuel ?
Lorsque le personnel d’Acropolis a appris par la presse, en février 2020, la démolition de notre outil de travail, le maire de Nice, auquel j’avais fait part de notre stupéfaction, avait annoncé la construction d’un nouveau PEX (Palais des Expositions) sur l’emplacement du MIN (Marché d’Intérêt National) à l’Ouest de Nice. La construction de cette nouvelle structure avant la démolition de l’existant aurait permis un tuilage, c’est-à-dire d’enchaîner la commercialisation d’événements sans rupture d’activité. Mais la mairie a décidé de détruire la structure actuelle avant même de commencer à esquisser le futur, et à ce jour, le dossier n’avance manifestement pas, il n’y a même pas de projet formalisé. Des solutions de transition ont été évoquées : au port de Nice d’abord, puis dans le périmètre du Nikaïa. Ces deux pistes ont été abandonnées, s’agissant de conserver l’activité congrès, la seule rentable. Concrètement, à partir du 1er janvier prochain, Nice sera dans l’incapacité de recevoir des événements d’envergure.
Vous avez évoqué le DGS en poste en 2021, il a été remplacé depuis : est-ce que cela ne pourrait pas expliquer un retard dans la mise en œuvre de solutions ?
Cet argument a été évoqué par la Ville de Nice mais ce n’est pas sérieux. Une stratégie d’entreprise n’est pas liée à une personne. Et le temps de l’économie n’est pas celui de l’administration : même si une alternative concrète et adaptée devait sortir du chapeau dans les semaines qui viennent, un délai incompressible sera inévitable pour pouvoir relancer l’activité interrompue. Il y a une urgence économique à trouver une solution de substitution. Je ne suis pas le seul à le dire, je vous renvoie aux récents propos de l’ancien directeur de l’Office du Tourisme (ndlr : interview de Denis Zanon dans la Tribune Bulletin Côte d’Azur du 26 août 2022).
Finalement, en tant que représentant du personnel, votre préoccupation majeure, c’est le devenir des salariés : vous ne croyez pas aux engagements que vous avez reçus à ce sujet ?
Le personnel d’Acropolis n’est pas seul concerné. L’activité événementielle, en comptant les entreprises satellites, c’est-à-dire l’hôtellerie, la restauration, les commerces, les transports privés, les loisirs, les services et prestations diverses, c’est plusieurs milliers d’emplois dérivés. Le cœur de Nice va perdre cette économie, et pour l’heure, il ne la retrouvera pas ailleurs. Mais si l’on se concentre simplement sur le personnel d’Acropolis, l’enjeu dépasse la seule dimension économique. Il me semble que la mairie n’a pas pris la mesure des dégâts psychologiques que le silence et le traitement qui nous ont été opposés depuis deux ans et demi ont provoqué sur le personnel. La médecine du travail en est informée et son représentant, tout en respectant le secret médical individuel, a confirmé en CHSCT qu’il existe un grave problème de santé.
Le véritable enjeu n’est-il pas économique, avant d’être psychologique ?
Il y a dans cette affaire une dimension tout à fait exceptionnelle. On est habitué, en France particulièrement, à ce que des employeurs détruisent l’outil de production et de travail pour délocaliser dans des pays plus rentables. Mais dans le cas d’Acropolis, l’employeur a décidé de détruire un outil de travail autofinancé et rentable ! Si cette activité ne l’était pas, Cannes ou Marseille ne se seraient pas précipités pour récupérer nos clients. Alors oui, la dimension psychologique a lieu d’être. Ce qui se passe est incompréhensible et particulièrement choquant. La démolition de notre outil de travail, un palais des Congrès en cœur de ville, et pour cela fortement apprécié des organisateurs, des exposants et des congressistes, est un non sens absolu.
D’un autre point de vue, et à l’heure où la Métropole doit réaliser des millions d’euros d’économie pour sortir de son endettement critique, la Palais des Congrès ne constitue-t-il pas une charge ?
Notre statut est ambigu : notre tête administrative est à la mairie mais nous avons l’autonomie financière puisque c’est nous qui commercialisons et qui gérons, le personnel est agent de la ville mais sous un statut privé, nous ne sommes pas fonctionnaires. Il faut donc regarder les chiffres : si l’on excepte la période du Covid, qui a particulièrement impacté le secteur de l’événementiel, notre activité a toujours été autofinancée. Acropolis a même battu un record en 2019. Nous organisons près de 170 événements par an. Donc, en période normale, Acropolis finance sa masse salariale et la part des investissements qui lui reviennent, et génère des retombées économiques conséquentes pour la région. En détruisant l’outil, la Mairie risque de créer une charge qu’elle aurait pu éviter.
Croyez-vous encore à une solution ?
Oui, nous avons l’habitude des défis. La piste d’un transfert de l’activité vers le Palais des Expositions actuel a été évoquée et nos interlocuteurs ont affirmé nous avoir entendus : nous allons le savoir rapidement j’espère. Cette solution comporte plusieurs atouts. Le Palais des Expositions est un outil sérieux doté de 14 000 m2 de surface exploitable exempte de piliers : nous pourrions continuer à commercialiser et gérer des événements en rapport avec notre expertise. Le personnel resterait dans son périmètre d’activité habituel, ce qui faciliterait la transition à tous points de vue, y compris, je le répète et je l’assume, au plan psychologique. D’autant plus que le PE fait déjà partie intégrante de l’entité Acropolis. En l’absence avérée de solutions de la part de la mairie, le PE est la seule alternative réaliste et réalisable. Je m’étonne d’ailleurs que la mairie n’ait pas travaillé plus tôt en ce sens. Il faudra certes relancer la machine, sans soutenir totalement la comparaison avec le Palais des Congrès actuel, mais il est possible de l’exploiter et recommencer à recevoir des événements. S’il existe une véritable volonté de continuer l’activité, la mairie doit étudier rapidement cette opportunité. Si ce n’est pas le cas, nous saurons clairement à quoi nous en tenir quant aux intentions de la mairie, et nous devrons agir en conséquence.