Visuel en 3D de Canua Island ©SmartIslandRiviera
Se décrivant comme un “refuge au cœur de la mer“, Canua Island est une plateforme de 1 750 mètres carrés, soutenu par un trimaran se situant à 600 mètres au large de Mandelieu-la-Napoule. Ce projet comprendra un Beach Club, un restaurant, un bar lounge et une suite exclusive de 45 mètres carrés permettant d’y passer la nuit. D’une capacité allant jusqu’à 350 personnes (amenées via des navettes), “l’île flottante” a annoncé qu’elle proposera une centaine d’emplois directs, tout en faisant travailler les acteurs les locaux, ce qui atteindrait environ 400 emplois. En outre, le projet de seize millions d’euros a déclaré qu’il reversera deux millions d’euros de TVA et qu’il sera éco-responsable en favorisant les produits locaux et de saison, les activités sportives “propres“, la sensibilisation et la formation de l’équipage, une politique de “zéro déchets en mer“, etc. Bien que Canua Island puisse séduire quelques intéressés, une majorité d’élus locaux et de personnalités politiques s’opposent au projet.
La Région PACA est vent debout face au projet
Tout d’abord, le 31 mai 2023, lors des Rencontres régionales du yachting, Renaud Muselier a affirmé, à propos de l’île flottante, “que la Région s’y oppose et s’y opposera toujours“. De plus, pour le Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la plateforme “est une aberration écologique“. Ce dernier a d’ailleurs indiqué que “ce truc n’est ni un bateau, ni un restaurant, ni un hôtel“. “Je suis prêt, si jamais les autorisations arrivent, a faire des recours systématiques pour bloquer cette installation” a-t-il ensuite ajouté. Plus tôt dans l’année, au cours du mois de mars, Christophe Madrolle, le Président de la Commission Mer au Conseil Régional avait déclaré que “les décibels de ce bar dansant […] seront un drame pour la biodiversité”. Ainsi, la région avait sollicité le Ministre de la Transition Écologique pour qu’il interdise ce projet en dénonçant les nuisances sonores et visuelles qu’il causerait. En réponse, Christophe Béchu a envoyé un courrier à l’attention de Renaud Muselier pour indiquer qu’il souscrit à la “circonspection” que suscite le projet. De plus, selon un communiqué de presse publié par le Président de la région, le Ministre aurait rappelé “les règles de droit qui en font un projet manifestement incompatible avec les règles de protection de l’environnement“. Ce positionnement de la part d’un membre du Gouvernement a satisfait Georges Botella, le Maire de Théoule-sur-Mer, commune voisine de Mandelieu-la-Napoule qui est “directement impactée par ce projet catastrophique“. En effet, l’édile maralpin a déclaré, que ce Canua Island “n’a rien de compatible avec la défense de l’environnement et ne peut pas être autorisé“.
Plus récemment, ce 1er juin, le Secrétaire d’État chargé de la Mer, en déplacement dans le Var, à La Seyne-sur-Mer, a déclaré que Canua Island est “le type de projet qui n’est ni fait, ni à refaire” et qu’il “apparaît comme peu compatible avec la nécessité de renforcer la protection protéger l’environnement marin“.
Le bar lounge de Canua Island ©SmartIslandRiviera
Les ennemis de mes ennemis sont mes amis
Bien qu’ils soient en désaccord sur plusieurs sujets, Renaud Muselier et David Lisnard partagent tout de même un point de vue similaire vis à vis du projet Canua. En effet, le Maire de Cannes, dans une lettre envoyée à la Première Ministre, s’est dit être fermement opposé “quant au développement de cette activité le long des côtes cannoises“. Au-delà de l’argument de “la protection de l’environnement” et “de la sécurité de la navigation maritime“, l’édile cannois a parlé de “concurrence déloyale“. Afin d’expliquer, ce dernier a ensuite rappelé que les établissements de bains de mer sont soumis à une “redevance domaniale” et à un “cahier des charges strict et exigeant“, alors que du côté des installations en mer, “rien n’est prévu réglementairement“. À cette occasion, David Lisnard, aussi Président de l’Association des Maires de France, a mis en lumière la question “du pouvoir de réguler l’activité maritime par les maires le long du littoral de leur commune, au-delà de la bande des 300 mètres“. Au passage, il a ajouté que “seul l’État est aujourd’hui décisionnaire et peut intervenir” pour autoriser ou empêcher la mise en place de Canua Island.
Dans cette affaire, les citoyens sont aussi concernés, ainsi, l’association Syllau a publié, en février 2023, une pétition qui recueille actuellement plus de 17 000 signatures. La Présidente du comité d’opposition Syllau, Laurence Di Marco, a d’ailleurs envoyé un courrier à la Première Ministre dans lequel elle a déclaré : “Dans le concept de Canua Island, où se trouve la place du respect de l’environnement dès lors que 400 personnes accéderont par rotations de navettes sur un site d’événementiel chic et de luxe au mouillage ?“. De plus, la lettre a rappelé que l’alerte sécheresse “nous impose une utilisation drastique de l’eau“, mais que “la plateforme mettra régulièrement à niveau la piscine d’eau douce“. Syllau a aussi dénoncé l’éclairage de l’île flottante qui se fera à partir de LED “dont les longueurs d’onde vertes et bleues se faufilent jusque dans les profondeurs de la mer” et la pollution sonore qui créera “un brouillard acoustique mettant réellement en péril la biodiversité marine“.
Une piscine qui questionne ©SmartIslandRiviera
Finalement, qui est favorable au projet ?
Bien qu’une majorité des élus locaux soient motivés à faire couler Canua Island, le Maire de Mandelieu-la-Napoule, via un communiqué de presse, a fait savoir que sa commune est prête à accueillir le trimaran tant contesté. Pour justifier sa prise de position, l’édile mandolociens a souligné que le projet est “totalement conforme à la règlementation attendue qu’elle soit terrestre ou maritime“. De plus, il a rappelé l’impact positif qu’apportera l’île flottante sur l’emploi et sur l’environnement, allant même jusqu’à affirmer que Canua sera “le navire le plus écologique de France au mouillage” grâce aux “innovations écologiques extrêmement fortes” qu’il contient : “gestion des déchets en mer, zéro rejet en mer, bio carburant, préservation de la ressource eau, désalinisation, etc.“. En outre, étant donné que le Golfe de La Napoule ne comprend aucune posidonie (plante aquatique), Sébastien Leroy a indiqué que “l’accueil de ce navire est donc parfaitement envisageable“. Toutefois, l’élu demande à ce que “le navire ne se déplace pas devant une autre ville azuréenne sans l’accord préalable du Maire concerné” et que “la tranquillité des riverains soit respectée“. Pour faire respecter cette deuxième condition, le Maire de Mandelieu-la-Napoule a annoncé que “des vérifications du bon respect du volet sonore” seront effectuées quotidiennement. Ainsi, ce dernier, confiant, a exprimé qu’il attendait que l’État délivre “les derniers documents préalables à l’exploitation de ce projet 100% français, innovant et d’envergure“.
Du côté des concepteurs du projet, ces derniers ont voulu rassurer les citoyens en annonçant qu’il ne s’agissait pas d’une boite de nuit et qu’ils coopéreront avec une association de voisinage afin d’effectuer des tests pour quantifier le volume sonore. Pour eux, il n’y a “aucun doute” quant à l’obtention des autorisations pour débuter l’activité de la plateforme. Dans ce sens, à la fin du mois de mai, une commission de sécurité s’est rendue à la Seyne-sur-Mer, commune où est actuellement amarré le trimaran, afin de visiter la barge. L’inspection s’est par ailleurs bien déroulée pour les promoteurs de Canua Island car la commission a “validé sa conformité“, ce qui autorise la plateforme à embarquer du public.
Cependant, dans un communiqué de presse du 6 juin, les co-fondateurs de Canua Island s’inquiètent du temps que met l’État pour leur donner la dernière autorisation. Les concepteurs ont tenu a rappeler que l’île flottante est “100% conforme à la réglementation et écologiquement bien au-dessus des standards pratiqués sur la côte“. De plus, ils ont souligné que l’absence du permis permettant l’exploitation du trimaran “met en péril notre entreprise et la centaine d’emplois créés“. Ils ont, en outre, affirmé que leur projet “n’est pas un caprice de milliardaire” mais plutôt “une PME qui a contracté des crédits pour mener à bien son projet et qui a besoin de travailler pour payer ses salariés“.