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Les dotations d’intercommunalités ont souffert des dernières réformes fiscales avec la suppression de la taxe d’habitation et mais aussi avec la diminution de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et taxe foncière sur les propriété bâti (TFB) des établissements industriels. Afin de permettre une meilleure visibilité aux établissements publics de coopération intercommunale, la Sénatrice des Alpes Maritimes a proposé un amendement visant à sécuriser les impacts de ces mesures en garantissant 100% de la dotation par habitant perçue l’année précédente en 2023 et en 2024.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il nous semble nécessaire d’expliquer les différents acronymes qui, pour un citoyen Maralpin n’ayant point les connaissances techniques ou pour un militant dont l’acuité intellectuelle se résume à une vision politique manichéenne entre les méchants et les gentils, obligeraient ces derniers à prendre du paracétamol pour pouvoir continuer la lecture de cet amendement. Au delà de notre trait d’humour sophistiqué, il est nécessaire de bien comprendre les mécanismes de dotation et cet amendement pertinent.
Pour faire simple, suite aux baisses de dotations de l’État aux collectivités locales et aux établissements publics de coopération intercommunale, il faut des moyens des compensations.
Les acronymes qui font mal à la tête :
Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou intercommunalité désigne une forme de coopération entre les communes. Celles-ci peuvent se regrouper afin de gérer en commun des équipements ou des services publics (ramassage des ordures ménagères, assainissement, transports urbains…), élaborer des projets de développement économique, d’aménagement ou d’urbanisme à l’échelle d’un territoire plus vaste que celui de la commune. Initialement conçue comme une gestion collective de services de base, la coopération intercommunale est devenue une coopération de projet. Cette coopération est mise en œuvre au sein d’établissements publics de coopération intercommunale. Les différentes catégories d’EPCI sont les suivantes : les syndicats de communes, les communautés de communes , les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les métropoles.
Concernant les DGF, qui seront abordés dans l’objet de l’amendement, il s’agit de la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui constitue la principale dotation de fonctionnement de l’État aux collectivités territoriales.
Elle est globale et libre d’emploi. Elle est fixée chaque année par la loi de finances. Il conviendrait toutefois de parler « des DGF » plutôt que de « la DGF ». Au total, elle comporte en effet 12 dotations (4 pour les communes, 2 pour les EPCI, 4 pour les départements et 2 pour les régions) qui se déclinent elles-mêmes en plusieurs parts ou fractions.
Pour chaque catégorie de collectivité, on peut la diviser en deux parts :
– la part forfaitaire qui correspond à un tronc commun perçu par toutes les collectivités bénéficiaires,
– la part péréquation dont les composantes sont reversées aux collectivités les plus défavorisées.
Au sujet du CIF, il s’agit du coefficient d’intégration fiscale (CIF) qui permet de mesurer l’intégration d’un EPCI au travers du rapport entre la fiscalité qu’il lève et la totalité de la fiscalité levée sur son territoire par les communes et leurs groupements. Il constitue un indicateur de la part des compétences exercées au niveau du groupement.
Le principe est simple : plus les communes auront transféré de pouvoir fiscal au groupement, plus on supposera qu’elles lui auront également transféré des compétences. Dès lors, plus les communes auront « joué le jeu » de l’intercommunalité, plus la DGF sera valorisée.
Maintenant que vous êtes suffisamment armés, vous pouvez tranquillement comprendre l’amendement proposé et adopté de la Sénatrice Alexandra Borchio-Fontimp.
L’objet de l’amendement :
“Les critères financiers et fiscaux utilisés pour le calcul de la dotation d’intercommunalité des EPCI à fiscalité propre ont été bouleversés par la suppression de la taxe d’habitation évidemment mais aussi d’une partie significative des impositions économiques (CFE et TFB des établissements industriels). La plausible suppression de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) annoncée par le Gouvernement vient perturber à nouveau les modalités de calcul de cette dotation.
Lors des Comités des Finances Locales tenus en 2020 et 2021, le groupe de travail relatif aux conséquences de la réforme de la fiscalité locale sur les indicateurs financiers a œuvrer pour proposer des moyens techniques visant tous à garantir que la DGF des communes et des EPCI ne se retrouve pas impactée.
Estimant que les garanties d’évolution de la dotation d’intercommunalité existantes seront suffisantes pour « lisser » cette réforme fiscale dans le temps, les services d’État ont considéré qu’il n’était pas utile, encore moins nécessaire, de prendre des mesures de correction dans le calcul du CIF et du potentiel fiscal des intercommunalités.
Pourtant, ni les lois de finances pour 2021 et 2022 ni le PLF pour 2023 ne comportent de mesure de correction des critères financiers et fiscaux des intercommunalités. Aucune mesure spécifique sur le sujet n’est énoncée.
Force est de constater que dans les faits, ces réformes fiscales ont parfois eu des impacts importants sur la dotation d’intercommunalité de certains EPCI.
En 2022, ce n’est pas moins de 24 EPCI – dont 23 CC et 1 CA – qui sont victimes de la réforme de la dotation d’intercommunalité, avec une perte totale estimée à 1,8 million d’euros en 2022.
De plus, 421 EPCI à fiscalité propre sont concernés par une garantie de dotation d’intercommunalité en 2022, dont 299 ne perçoivent qu’une garantie à 95% de leur dotation par habitant N-1. Dans le cas où ces EPCI auraient perçu une garantie à 100% en 2022, c’est un gain global de 6 562 272 d’euros qui aurait pu bénéficier à ces intercommunalités.
Attribuer à ces EPCI à fiscalité propre une garantie à 100% de leur dotation par habitant en N-1 ne représente qu’un faible coût lorsque l’on compare à l’enveloppe globale de la DI qui s’élève à 1 650 113 052 € en 2022.
En outre, cela ne représenterait aucun coût pour l’État puisque la DGF est une enveloppe fermée dont les contraintes sont financées par les communes et les EPCI, comme c’est le cas pour les hausses de dotations de péréquation communales ou encore l’augmentation annuelle de dotation d’intercommunalité par exemple.
Cette mesure pourrait être financée en une année par l’accroissement annuel de la dotation d’intercommunalité (+ 30 millions par an depuis 2019), et ne bouleversera pas l’enveloppe de la dotation d’intercommunalité en 2023.
Cet amendement propose de sécuriser les impacts des dernières réformes fiscales sur l’ensemble des intercommunalités, en leur garantissant de percevoir au moins 100% de la dotation par habitant perçue l’année précédente en 2023 et 2024, ce qui leur permettra d’avoir un peu de visibilité. ”