EDM – Vous êtes d’abord un chef d’entreprise : qu’est-ce qui vous a amené vers la politique ?
Dominique Nicolaï – Je me suis toujours investi dans l’associatif. Je suis également engagé à travers le Rotary club et dans Initiative Riviera, un réseau qui attribue des aides financières à taux zéro à des entreprises en création. Je me suis intéressé activement à la politique en 2007 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, et j’ai ensuite continué à militer au sein de l’UMP puis des Républicains, c’est ma colonne vertébrale politique. Lorsque j’étais militant, je donnais mon avis chaque fois qu’il y avait des décisions importantes, malheureusement, dans ces partis comme dans d’autres, ce sont les chapeaux à plumes qui décident tandis que les militants exécutent. Résultat, on constate une perte significative de nos adhérents, je ne vois pas comment les LR pouvaient réussir avec un président qui n’avait pas d’ambition. Le départ de Christian Jacob me semble une bonne chose, c’est une nécessitée pour insuffler une Nouvelle Energie . J’attends avec impatience le résultat des élections pour désigner le nouveau président du parti. J’espère que nous aurons un leader charismatique, qui portera les fondamentaux des LR : le régalien, la liberté d’entreprendre, et qui s’ouvrira à d’autres enjeux, tels que l’environnement. Je ne serais pas contre l’arrivée du maire de Cannes et Président de l’AMF David Lisnard en tandem avec Eric Ciotti, qui porte le message de cette Droite Forte qui protège et rassemble.
Pourquoi avez-vous choisi de vous engager activement au niveau municipal ?
Je suis un Mentonnais d’adoption ou plutôt de cœur car j’y suis arrivé il y a 15 ans et j’y resterai le plus longtemps possible, J’ai toujours suivi avec intérêt ce que faisait la municipalité avec dans un coin de ma tête l’idée de m’engager un jour …. J’avais échangé avec Yves Juhel lorsqu’il montait sa liste pour les élections municipales et j’ai constaté qu’il ne cherchait pas des amis mais des compétences. Il m’a proposé d’embarquer avec lui sur une délégation liée à l’habitat, j’ai foncé. L’élection a été compliquée mais les Mentonnais nous ont fait confiance et le maire a tenu sa parole.
Mon travail consiste à m’occuper de tout ce qui concerne les logements indécents. Lorsque des signalements sont effectués auprès de la mairie, j’interviens avec le service de l’urbanisme, nous faisons une visite des lieux et nous mettons les propriétaires en demeure d’effectuer des travaux. Nous faisons aussi la chasse aux marchands de sommeil, à la fois pour protéger les droits des locataires et pour préserver notre patrimoine. Les ressources de la commune reposent à 50% sur le tourisme, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser le patrimoine local se dégrader ou tomber à l’abandon. Concrètement, je retrouve dans ma délégation le prolongement de mon métier de syndic, qui consiste à convaincre les propriétaires d’effectuer des travaux destinés à préserver leur patrimoine immobilier, et donc celui de la collectivité. Parallèlement, je travaille sur des solutions d’aide au logement pour des personnes en difficulté. La mairie travaille avec l’association Humanisme et Habitat, qui s’occupe des personnes en état de précarité extrême. Le rôle de l’association consiste à passer une convention avec des propriétaires : l’association installe une personne en état de précarité sociale et/ou économique, par exemple une mère de famille isolée sans ou avec de faibles revenus, qui versera un loyer symbolique, et Humanisme et Habitat s’engage à reverser le complément de loyer au propriétaire. Nous avons identifié 2 000 logements inoccupés, au niveau fiscal s’entend. Nous voulons agir afin d’inciter les propriétaires à mettre ces appartements sur le marché du logement. Nous voulons également agir au niveau des logements sociaux. Nous avons constaté que certaines personnes occupent des logements à loyer modéré alors que leur situation ne correspond pas, ou plus, aux critères d’attribution. J’ai donc formulé une proposition, qui demande encore à être validée : à la reconduction du bail, le locataire devrait justifier de sa situation fiscale. S’il remplit les critères requis pour bénéficier d’un logement social, il conservera son logement. Sinon, soit son loyer sera réajusté en fonction de ses revenus, soit son bail ne sera pas renouvelé. 1 300 habitants du territoire de la CARF sont en attente d’un logement auquel ils ont droit, on doit les aider.
Vous êtes également nommé à la Communauté d’Agglomération de la Riviera Française : quel y est votre rôle ?
Au niveau de la Communauté d’Agglomération de la Riviera Française, le maire m’a confié une délégation sur une OPAH (1) destinée à contribuer à la rénovation du patrimoine immobilier. Cette structure dispose d’une enveloppe de 8 millions d’euros allouée par l’ANAH (2), la Région, le Département et la CARF. Cette enveloppe est destinée à aider les propriétaires dépourvus de moyens, à effectuer des travaux de préservation de leur patrimoine immobilier.
La CARF est un bassin majoritairement composé de seniors dont les retraites diminuent et ils se retrouvent dans des appartements qui ne sont plus adaptés à leur évolution. Il faut par exemple transformer les baignoires en douches. C’est typiquement le genre de travaux sur lesquels notre OPAH peut intervenir. Nous intervenons également pour tout ce qui concerne la rénovation énergétique. C’est une préoccupation qui se place au coeur de notre mandat. Au sein de toutes les délégations il y a une part d’écologie. La rénovation des façades par exemple peut permettre un gain énergétique de l’ordre de 35%. Notre objectif vise à traiter 300 logements sur la durée du mandat, c’est-à-dire 4 ans. Chaque ville, en fonction du nombre d’habitants, s’est vu attribuer un nombre de logements et de copropriétés appelés à bénéficier de l’OPAH. La mise en oeuvre s’appuie sur les agents des services de la ville et sur un opérateur d’urbanisme qui agit en Délégation de Service Public. Il s’occupe de recevoir les habitants pour définir leur projet. Il se déplace ensuite sur site pour identifier les projets et décider sur quels volets nous allons agir. Le maire a validé une autre de mes propositions, qui consiste à travailler en circuit court. En tant que ville de Menton et membre du territoire de la CARF, nous sommes soumis aux appels d’offres. Mais l’OPAH, elle, se situe dans un cadre privé. Le particulier qui bénéficie d’une aide de l’OPAH, certes, sera financé par celle-ci, mais il reste porteur de son projet et son propre maître d’oeuvre, donc libre de choisir son opérateur. Notre travail consiste alors à établir une liste d’entreprises référencées auprès de l’OPAH que nous pouvons proposer aux propriétaires. Cela permet de donner un coup de pouce à des petites entreprises qui souhaitent se lancer et se constituer un réseau, et c’est bénéfique pour les actifs économiques du territoire.
Est-ce que vous subissez des pressions de la part de grands groupes qui opèrent sur le territoire ?
Non, cette échelle de travaux ne les intéresse pas. Nous sommes sur des opérations de 10 000 à 15 000 euros. En revanche, c’est intéressant pour des petites et moyennes entreprises. Cette démarche permet aussi de sensibiliser ces entreprises à ces marchés potentiels. Nous nous sommes rapprochés de la Chambre de Commerce et d’Industrie en ce sens car je n’ai pas le contact avec ces opérateurs et nous n’avons pas encore vraiment communiqué avec les particuliers pour les informer de l’existence de ce dispositif. Nous allons procéder à une distribution de flyers mais surtout, nous allons diffuser l’information dans le quotidien local à la rentrée. Nous agissons ainsi comme un médiateur entre les particuliers et les entreprises, tout en effectuant un contrôle parce que nous sommes financeurs. Enfin, en septembre, la ville de Menton va s’engager dans un dispositif lié à l’emploi. Nous avons déjà créé une synergie à travers l’opération un Café pour l’Emploi qui s’est déroulé il y a un mois à l’espace Cocteau, mais nous voulons développer des partenariats avec Pôle Emploi. En ce qui concerne la mairie, nous allons conjuguer cette démarche avec notre objectif de réduction de la dépense publique. Il existe un dispositif que j’ai expérimenté moi-même en tant que chef d’entreprise. Parce que j’estime qu’il est important de savoir de quoi on parle. Quand j’entends un ministre parler d’emploi alors qu’il n’a jamais vu un bulletin de salaire cela me fait sourire. Dans ce dispositif, la personne reste demandeur d’emploi et rémunérée par Pôle Emploi, mais elle est hébergée par une entreprise pendant la durée de sa formation, qui peut être de 200, 300, 400 heures, et l’entreprise le forme. Cette personne n’alourdit pas la charge salariale de l’entreprise, mais elle fournit un travail effectif. C’est la parabole du pêcheur : plutôt que de donner un poisson à un homme, il vaut mieux lui apprendre à pêcher. Ici, on lui apprend à travailler afin qu’il soit en mesure de se trouver lui-même un emploi. Il n’y a rien de pire pour quelqu’un que de se trouver abandonné à lui-même pendant deux ou trois ans. 95% des chômeurs ont envie de travailler, il faut leur donner l’opportunité de rester dans le monde du travail ou de s’y intégrer et de trouver leur place dans la société. C’est la force de la plupart des élus mentonnais que d’être issus de a société civile. Nous pouvons dupliquer au niveau municipal ce que nous connaissons au quotidien dans le monde de l’entreprise et dans la vraie vie.
La loi SRU, dont beaucoup de maires réclament la suppression, pose-t-elle des difficultés à la ville de Menton ?
La loi Climat et Résilience est à mettre en parallèle avec la loi SRU, cela nous pose quelques difficultés spécifiques au territoire. Déjà, celui-ci est contraint, et on ne peut pas le défigurer juste pour respecter des objectifs. Une solution consisterait peut-être à rendre du terrain constructible mais cela représenterait des investissements infrastructurels trop conséquents.
Mais le problème majeur, c’est que l’objectif SRU a été fixé en 2019 et que depuis, il y a eu la tempête Alex, qui a impacté 50% du territoire de la CARF. L’objectif est devenu impossible à atteindre. J’ai demandé que Renaud Muselier, le Président de la Région, soit saisi de cette question. Nous devrions aujourd’hui intégrer 6 200 habitants sur une espace qui se réduit à trois villes, Menton, Roquebrune Cap Martin et Beausoleil : c’est irréalisable.
Sur les autres politiques liées à l’habitat, quand pourrez-vous présenter des résultats concrets ?
Nous avons prévu de commencer à rendre compte d’un premier bilan de nos actions en février, c’est-à-dire environ à un an du début de mandat. En ce qui concerne l’OPAH, nous allons pouvoir présenter dans quelques mois les premiers résultats concrets de nos actions.
La diversité du territoire de la CARF pose-t-telle des difficultés en termes d’équilibre des politiques ?
L’objectif d’une inter-territorialité, c’est de mutualiser les forces. Chaque commune a ses besoins propres. Il faut donc mettre en place des variables d’ajustement, ce qui nécessite d’abord d’équilibrer les budgets puis de redistribuer les postes. Le Directeur Général des Services de la mairie de Menton vient d’être mutualisé au niveau de la CARF, ce qui nous permettra de réaliser un audit global afin d’évaluer nos capacités, les besoins et de répartir les budgets. On ne peut pas cumuler indéfiniment les déficits ! L’équilibre financier est impopulaire parce qu’il passe par souvent par une augmentation des impôts mais c’est une nécessité. Ensuite à nous d’équilibrer les budgets et les aides. Nous appliquons cette politique d’économie à l’échelle de la mairie. Nous avons établi un partenariat avec l’association des Jardins d’exceptions, car les parcs et les jardins de Menton constituent un atout touristique majeur pour notre commune. Ce partenariat consiste à mettre des agents municipaux des espaces verts à la disposition de cette association sur la base d’une convention. En contrepartie, l’association doit investir pour entretenir et valoriser les parcs et les jardins. Ainsi la mairie en reste propriétaire, mais c’est le privé qui contribue à valoriser le patrimoine. Ce partenariat permettra notamment de dynamiser la fête du Citron, en y intégrant les parcs et jardins.
Menton est une ville qui semble disposer de tous les atouts : tourisme, qualité de vie, prospérité… Qu’est-ce que vous pourriez apporter de plus aux Mentonnais ?
Beaucoup de choses. En accord avec le programme du maire, la municipalité va développer tois axes majeurs en faveur de la rénovation et du développement de la ville. La dynamiser : un projet va sortir au Borrigo, un pôle multimodal qui comprendra un cinéma, un espace de vie pour les jeunes, des bars, un établissement de nuit… Ce lieu aura le double avantage de dynamiser la vie locale tout en préservant la tranquillité du centre ville. Mais il faudra que les établissements jouent le jeu, c’est-à-dire qu’ils proposent des prestations adaptées à la jeunesse, notamment en termes de tarifs. Nous souhaitons ensuite créer un carré d’or destiné à s’inscrire dans la nouvelle dimension mentonnaise qui sera apportée par l’hôtel 5 étoiles qui sera bientôt livré. Il s’agit de créer une galerie marchande haut de gamme destinée à répondre aux besoins de la nouvelle clientèle, mais aussi de répondre à ceux des Mentonnais aisés qui actuellement vont faire leur shopping à Monaco. Dans le même ordre d’idée, le maire envisage la création en face de l’hôtel d’un espace végétalisé de qualité. Des esquisses vont sortir. Et avant, fin 2024 probablement, sera achevée la rénovation de la gare de Menton. Une gare moderne, repensée, dotée de plus de 300 places de stationnement en sous-sol. Tout ne se fera peut-être pas dans le mandat mais l’objectif est d’offrir aux Mentonnais une ville dynamique et rénovée.
(1) Opération programmée d’amélioration de l’habitat.
(2) Agence Nationale de l’Habitat.